Je déteste les titres [Fini]

C’est difficile de décrire le caractère de quelqu’un vous savez ? Encore plus quand c’est le notre, mais je pense que si un seul mot devait me caractériser, ça serait ❝ complexe ❞. Oui parce que j’ai tendance à être dans les extrêmes si on peut dire ça comme ça. On peut penser à première vue, et malgré mon expression presque toujours neutre, que je suis quelqu’un d’assez ouvert vers les autres, peut-être pas un grand bavard, mais quand même. Pourtant, je suis tout le contraire. Complètement solitaire, je peux très bien rester stoïque face à quelqu’un qui me parle si je juge que cette personne n’est pas assez intéressante ; et puis, si cette personne insiste, là je risque de s’énerver et d’agresser verbalement cette dernière pour la faire fuir. Franchement, si je le pouvais, je le ferais sûrement à l’aide de mes poings, mais on ne peut pas dire que j’ai la carrure de Rocky et n’étant pas complètement stupide – même si on pourrait le croire – je préfère garder ma vie sauve. Sinon, quand quelqu’un m’intéresse – ce qui est assez rare, d’une part, et qui, d’autre part, exclut une grande majorité de la gente féminine – je peux se montrer très agréable si je le veux vraiment. Pourtant, j’ai tendance à me cacher derrière de l’arrogance ou un silence pesant pour ne pas laisser paraitre mes sentiments. C’est une façon de me protéger en fait. Ouais, c’est peut-être complètement con comme attitude, mais je préfère garder une distance entre moi et les autres pour ne pas souffrir. C’est une sortie d’instinct de survie, vous croyez pas ? Sinon, je suis quelqu’un de très fier, sûrement trop même, mais je ne supporte pas de devoir demander de l’aide à qui que ce soit, alors, je préfèrerais presque crever dans un caniveau plutôt qu’appeler au secours. Ah, et puis une dernière chose. On pourrait penser le contraire, mais je suis assez tactile en fait et j’ai tendance à ne pas vraiment réfléchir avant d’agir. Donc ça peut poser quelques problèmes de temps en temps.

« Mais tu vas obéir oui ?! » D’aussi loin que je me souvienne, mes journées se passaient de cette manière. Des hommes et des femmes essayaient de me dresser pour pouvoir me vendre mais je n’en faisais qu’à ma tête. Et à chaque fois, je finissais dans cette salle sombre, attaché par les bras pendant que le fouet claquait sur moi. Je n’ai jamais essayé de me défendre pendant ces moments. A quoi bon ? Ils étaient toujours quatre au minimum, tous armés, et moi, j’étais attaché. J’avais les avant-bras meurtris par des cordes trop rêches, trop serrées, qui les tiraient au-dessus de ma tête. Finalement, je me suis résigné – ou plutôt, j’ai fait semblant de me résigner – vers mes quatorze ans. Pourquoi ? Bah simplement qu’à cet âge, j’ai compris que si je pouvais partir du centre où j’étais, j’éviterais de crever sous les coups. Bon d’accord, l’idée que la personne qui allait m’acheter soit pire que mes dresseurs ne m’avait pas effleuré l’esprit. Mais j’étais stupide à cet âge vous savez ? Je ne connaissais pas grand-chose excepté ce centre, les coups, les ordres et ces hybrides qui se soumettaient et qui me dégoutaient plus qu’autre chose. Bref. J’ai été vendu assez rapidement. Peut-être était-ce parce que ça ne se voit pas vraiment que je suis à moitié animal, peut-être était-ce par ce que je plaisais à l’acheteur à cause de mon silence, de mon physique, ou je ne sais quoi. Je ne me suis jamais posé la question en fait. J’ai jamais aimé m’intéresser à des personnes qui se servaient de moi et le mec qui m’a acheté ne me considérait pas autrement que comme un objet, donc je faisais la même chose. Point barre.

Enfin bref. La cohabitation a été assez courte en fait. Après six mois à me torturer encore plus que dans mon centre – je vous passe les détails de ses petites lubies hein – j’ai fini par me rebeller, et par l’attaquer pour me protéger. Cette résistance m’a reconduit directement au centre. Et j’en étais presque heureux en fait. C’est stupide comme réaction non ? J’y suis resté trois ans. Ouais, c’est long, je sais. Mais c’est comme ça, au moins j’avais un toit sur la tête, j’avais de quoi manger même si c’était immangeable. J’étais presque bien en fait. Finalement, j’ai réussi à me sauver une nuit. Je ne sais plus vraiment comment, je peux simplement dire que c’est grâce à ma forme animale et aux canalisations.

Après mon évasion, je me suis retrouvé à la rue. Bah ouais. Quand tu connais pas le monde extérieur et que tu te sauves tout seul, t’es paumé. Y’a pas d’autres solutions. Mais j’ai eu de la chance. Deux ou trois semaines après, alors que j’étais assis dans la rue, comme un clochard – bah ouais, c’est ce que j’étais non ?- et que les passants me lançaient des regards qui m’importaient franchement pas, un mec s’est installé près de moi pour discuter. Ouais, il voulait me parler. J’ai jamais compris pourquoi, mais à la limite, c’était pas grave. « Tu t’appelles comment ? Tu fais quoi là ? Ca fait plusieurs jours que j’passe et que j’te vois. » Il a commencé par m’assommer avec ses questions, mais il avait quelque chose qui me donnait envie de lui répondre, ou en tout cas de ne pas l’ignorer. « J’sais pas. » Il ne s’attendait peut-être pas à cette réponse, mais il avait affiché un sourire amusé avant de reprendre la parole avec le même enthousiasme. « Moi c’est Emeth, j’viens d’Égypte. T’as une tête à t’appeler Dayen, alors j’vais t’appeler comme ça. » Après plusieurs minutes à l’écouter me parler, il s’était levé pour m’emmener chez lui.

« Day’. Je repars en Égypte ce soir. Je peux pas t’emmener. » C’est comme ça que tout s’est arrêté d’un coup. Je n’avais pas réussi à dire quoi que ce soit ; il m’annonçait ça comme si c’était normal. Bon d’accord, il m’avait prévenu qu’il ne restait pas mais quand même. Ca ne lui faisait rien de me quitter ? Nan. En fait, le pire, ce n’était pas ça. Le pire, c’était qu’il avait appelé un mec de l’animalerie pour m’embarquer. Et c’est comme ça que je me suis retrouvé là.